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ZEDEK Mouloud :

 


« Le Verbe est ma première préoccupation »

 

La force d’un verbe et la magie d’un vers qui découlent d’une voix pompeuse et d’un ton majestueux, réjouissant la bonne oreille :
Une toute petite pensée que nous a inspirée la rencontre d’un soir avec un homme discret et modeste qui sait s’effacer pour rejoindre la sensibilité et la grandeur d’un poète. Il s’agit bien sûr de ZEDEK Mouloud qui nous a accordé une interview.

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Il semble que tout le monde est d’accord pour dire que le verbe de ZEDEK Mouloud est dosé d’une certaine intensité et d’émotion mais aussi et surtout d’originalité, Enfin l’Mouloud itmeslay taqbaylit Taqurant, amek ?

J‘ai toujours aimé la bonne parole, le beau verbe et la belle expression. J’ai souvent senti qu’il y’a un amour profond entre moi et les mots. Tout ce qui est poétique me touche. Le secret est peut-être là, donc le verbe dans mon texte découle de cet instinct et de cette affection que j’entretiens avec ma langue qui est essentiellement orale. Néanmoins, je ne ménage aucun effort pour me ressourcer auprès de ceux qui ont travaillé notre langue comme BOULIFA, MAMMERI et d’autres.

On a l’impression que le texte chanté en Kabyle notamment la chanson d’amour véhicule des images de regret, de détresse, de malheur, de reproches, donc de pessimisme : Kulec d ashissef ! Est ce que pour Mouloud ZEDEK, chanter est synonyme de pleurer ?

Le pessimisme qu’on retrouve dans la poésie Kabyle reflète sensiblement le vécu des Kabyles eux même. La chanson chez nous, par conséquent, est plus qu’un mode d’expression, elle est une manière d’extériorisation ; On « dégage » avec nos chansons, ça nous réconforte.
Et puis, il y’a un autre point de vue que j’emprunte à un écrivain qui disait : le bonheur ne se chante pas, il se vit !
Par rapport à la chanson sentimentale, je dois dire, en ce qui me concerne, qu’elle renvoie fidèlement dans son ensemble à mes petites histoires.
Enfin la frustration, la détresse, la douleur et la déception sont autant de mots propres à l’amour dans un village Kabyle.

Pensez-vous que le style de musique que vous avez choisi est essentiellement votre création. à dire vrai, vous ne reproduisez pas un genre qui existe déjà ?

On ne choisit pas en matière de musique, dans un environnement comme celui des villages Kabyles. Principalement, il n’y a pas de source d’où l’on peut puiser la connaissance artistique, notamment musicale. La réalité est dure, pour ne pas dire cruelle : les portes sont souvent fermées.
D’autre part, je me définis plus comme un poète que comme un musicien. Le verbe est ma première préoccupation.

Si mon jugement est correct, tu travaille le folklore, est ce que le chaâbi, le moderne et l’oriental vous paraissent difficiles ou ne vous conviennent pas ?

Je pense qu’on ne peut pas réellement qualifier mon style de Folklore. Il y’a un peu de tout dans ma musique et dans les airs que j’emploie : un peu de chaâbi, un peu de traditionnel et même quelques touches de moderne. J’apprécie tout et toutes les musiques sont belles.
En ce qui me concerne, en fil du temps, je me suis forgé mon propre style.

La musique Kabyle offre l’image d’une musique traditionnelle dépourvue et pauvre. On peut bien le constater du point de vue de l’orchestration, à savoir le choix des instruments, leur qualité et leur nombre …

L’orchestration est avant tout une question de moyens et donc d’investissement. Et si on parle d’investissement, on doit nécessairement évoquer le marché du disque.
De toute évidence, le marché de la chanson Kabyle est limité, l’investissement individuel est par conséquent, un grand risque à prendre.
Il en aurait été autrement si la culture chez nous ne souffrait pas d’une certaine négligence et si ceux pour qui la chanson a tout donné, pensait à lui rendre ne serait - ce un minimum, au lieu d’investir dans toutes les formes des gains faciles.

A l’instar de l’ensemble des chanteurs Kabyles, vous êtes en même temps Parolier, Compositeur et Interprète. Ce n’est pas là, une cause qu’on peut avancer pour expliquer la faiblesse et le manque dont souffre notre chanson à tous les niveaux ?

Je dois rappeler, pour une autre fois, ce que j’ai souligné auparavant sur l’environnement dans lequel on a évolué. Il s’agit – bien sûr - pour l’artiste-amateur de « Se débrouiller » s’il veut créer son œuvre. Il nous est imposé -villageois que nous sommes- d’être simultanément des poètes, des compositeurs et des interprètes.

Ceci dit des cas d’entraide et de collaboration existent également même si ce n’est pas la règle et c’est tout aussi respectable.
L’art dans notre société n’a pas encore tout le poids d’estime et de considération comme c’est le cas dans les sociétés occidentales et orientales, ce qui explique l’insuffisance, voire l’absence des établissements d’arts comme les conservatoires, les maisons d’éditions, les écoles de musiques…etc.

L’engagement de Mouloud ZEDEK dans ses textes est évident mais restreint, dans le sens où il ne se prolonge pas dans l’acte politique. Une volonté délibérée dans cela ?

Je ne suis pas politicien et je ne veux pas l’être. Mon engagement est d’un autre ordre et d’une autre dimension que je ne peux pas résumer dans un discours politique visé et circonscrit.
Je suis un artiste, je porte le drapeau de toute une société et non pas d’une frange d’elle.

On a l’impression de comprendre à travers vos produits que vous voulez arranger tout le monde. Sur un CD on retrouve une chanson à caractère politique, une autre à caractère social, une autre à caractère d’amour…etc.

Au début de ma carrière artistique, j’étais contrait de le faire. J’ai jugé plus avantageux de répondre aux goûts de tous ceux qui m’écoutent. Mais aujourd’hui, je chante ce qui émane spontanément de mes sensibilités et convictions et en toute humilité je tiens de plus en plus à priviligier la qualité à la quantité.

Parlons justement de la qualité : tu l’as souligné précédemment, notre culture, du moins ce qu’il en reste, est essentiellement orale. Ce qui donne au chanteur kabyle un statut particulier. Il est en quelque sorte d’intellectuel qui s’exprime à travers la chanson. Que penses tu de la perte progressive de cette spécificité au profit de toutes les nouvelles formes de l’aliénation mentale en vogue de nos jours ? Ne préside-t-elle pas à la dislocation de nos anciennes valeurs qui faisaient notre identité et notre fierté ?

Le monde d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Les influences externes apportent leur lot de positif et malheureusement une grande partie du négatif. Il appartient aux plus lucides de veuillez à séparer le bon grain de l’ivraie.

A travers tes chansons, au-delà de la force du verbe, on sent aussi que Zadek Mouloud ne chante pas pour chanter, il en découle un idéal, des convictions ?

Je pense qu’à travers mes chansons, on peut facilement reconnaître un amoureux de valeurs traditionnelles, de ce qui forge un villageois sans nier qu’il y’a de choses à réformer. Encore une fois, il faut savoir faire le tri et ce sont ces convictions qui m’inspirent et qui fait également partie de ma personnalité. Là le sens de mon combat.

Une autre caractéristique du verbe de Zedek Mouloud : le choix des mots donne une profondeur et une portée à la poésie telles que chaque préposition peut être utilisée comme citation universelle :
- Yurwat as tinim frant neY kfant, ma kfant ad jaben tiyid.
- Akken yella yir awal, i tella yir tassusmi !
Quel est le secret ?

En ce qui concerne mon enrichissement, j’essaie d’aller à la rencontre de toute forme de sagesse populaire et autre, notamment le peu d’écrit dont on dispose. Pour le reste tout me vient de l’inspiration et du plus profond de moi, je ne saurai l’exprimer.