D'une
voix émue qui porte cette sensibilité
invraisemblable qu'on lui connait, l'enfant d'ath-Bouyahia : Mustapha
AÏSSI, nous a accueilli durant plus d'heure, au bout de fil.
A coeur ouvert, voici l'interview-portrait qu'on a réalisé
avec lui...
Mustapha
Aïssi au lieu de ton vrai nom Mustapha Halata, une petite histoire,
peut-être, derrière cela ?
C’est lors d’un enregistrement à la RTA (Radio
télévision algérienne, nder)
en 1978 que Madjid Ait- Rahman dit el Hesnaoui Amechtouh m’a
collé ce pseudonyme que j’ai affectueusement adopté.
Evidemment c’est par rapport à ma localité natale
Ath Aïssi
Le début de carrière d’un artiste remonte
souvent à l’enfance, est ce ton cas ?
Grandi dans un quartier au goût du Chaâbi, m’a offert
cette chance de connaître et fréquenter des artistes
de talents comme Kamal BOURDIB et Amar LAÄCHAB ainsi que d’autres.
J’ai été, aussi, suffisamment nourri par notre
héritage culturel et musical légué par Cheikh
el Hesnaoui, Slimane Azem… etc.
Une formation, aussi, au sein du conservatoire de musique
d’Alger ?
Plutôt, j’été à l’école
supérieure de musicologie de Kouba. De par ma formation dans
l’administration, j’étais même responsable
du département. C’était une autre occasion, aussi,
qui m’a été offerte pour apprendre à solfier
et à côtoyer les grandes figures de la musique.
De bonnes fréquentations et un grand apprentissage
mais peu de production...
Les problèmes surgissaient, déjà en 1978, quand
j’avais l’intention de produire ma première cassette.
D’ailleurs mon premier album intitulé chah di rray-iw
n’a vu le jour qu’en 1982 en France chez les éditions
Oasis et le deuxième itbir, en 1986 en Algérie chez
les éditions Akbou. Les deux produits n’ont pas eu malheureusement
l’écho souhaité.
S’agit-il des problèmes ?
Vous savez, le marché de disque est soumis plus aux transactions
commerciales qu’à la qualité des produits. Exigences
et chantages des producteurs sont une monnaie courante dans ce domaine.
Enfin j’ai compris que le commercial n’est pas de mon
ressort et par conséquent, j’ai opté pour le culturel.
Des artistes et chanteurs t’ont épaulés
?
Enormément ! Je n’ai pas à me plaindre de ce côté.
J’ai beaucoup été soutenu par plusieurs artistes
tel que Taleb Rabah, Kamal Hemadi, Rachid Mesbahi…la liste est
langue.
De la poésie ou de la musique, qui prime pour toi ?
La tradition chez nous, fait que la parole a son poids particulier.
La parole c’est la parole comme on dit ! Je ne fais pas l’exception
si j’ai tendance à travailler dans mes chansons le verbe
que la mélodie.
Influencé peut-être ?
Evidemment ! par Slimane Azem, cheikh El Hesnaoui, Si mohand Ou Mhend
notamment, mais étant fils d’Algérie, la situation
dans mon pays ne laisse personne indifférent pour s’engager
dans les textes afin de répondre aux aspirations de la société.
Et pour la musique ?
Je n’ai pas de style particulier ni d’influence spéciale
mais l’exemple d’un Tayeb Ibrahim ou d’un Kamal
Mesoudi me souffle bien à l’oreille.
Et Ait menguellet et Matoub ?
Deux philosophies différentes mais un seul objectif bien sûr.
Lounis est un poète au sens Kabyle du terme : Aheddad bwawal
!
Lounes, qui m’a, d’ailleurs, accueilli à bras ouvert
chez lui en 1986 est le Chae Guevara qui a su utiliser et améliorer
la chanson comme mode d’expression tout au long de son parcours.
Grâce à lui la chanson Kabyle a bien adopté le
Chaâbi.
Enfin Mustapha… de l’art, de la connaissance,
du travail et malgré tout, tu as choisis de partir…
Malheureusement, depuis 1993 je vis en France. Quand on est mal compris,
quand on risque sa tête à n’importe lequel moment,
quand on habite un quartier aussi chaud que Kouba. le seul choix qui
reste est de fuir.
Une démission Totale ?
Pas du tout. Mon engagement est le même. Je suis et je reste
à l’écoute de mon pays, berbère engagé
sur les traces de Tahar Djaout , matoub lounes et d’autres..
Toujours dans l’art ?
Absolument ! Même si je ne vis pas de cela, je continue à
le travailler sur d’autres plans.
Un exemple…
J’ai réalisé un CD intitulé « Caravane
» avec le concours de 35 enfants. Un CD, qui aujourd’hui,
parcoure toutes les écoles sur le territoire français.
Et modestement je dois le souligner que je suis le premier berbère
et Algérien qui a réalisé ce genre de travail.
De la production donc..
Mais surtout des spectacles et des galas aux quels je participe régulièrement.
J’ai chanté avec Idir, avec Cheb Mami et dernièrement
dans un stade, en ouverture pour un spectacle d’un chanteur
Jamaïquain de renommée.
De la promotion aussi…
Quelquefois oui ! J’ai eu droit à une émission
à BRTV et quelques articles de presse
Et dans le cadre de l’année d’Algérie
en France ?
Ah non ! Je n’ai pas participé. J’ai boycotté
le pouvoir bien sur, non pas l’Algerie. Notamment le consulat,
ce pseudo représentant, qui m’a empêché
de se produire dans un spectacle parce que je chante kabyle ou autrement
en Kabyle et évidemment de faire avantager une fois de plus
des Khaled cadet, junior et senior !!
D’autres propositions ou des projets en perspectives
?
J’ai plein d’ambitions pour l’avenir, il me reste
à concrétiser tout.
Et Taddart dans tout cela ?
Ça me manque énormément. J’ai un attachement
intime à mon village. J’ai plein de souvenirs qui font
le bonheur de mes rêves.
Ah oui !?
Je ne pourrai jamais effacer de ma mémoire toutes ces fêtes,
mariages dont lesquelles j’ai chanté, ni ces petites
soirées qu’on animait à l’époque
au secret à Lqahwa bwadda, café des cow boys.
Deg –gwgni daYen ?
« ay aâssas bwegni » est une chanson –témoin
de ce plaisir qu’on éprouvait ensemble à chanter
toute la nuit avec les amis, notamment Saïd HENNAD, Hocine HEMDAD
et d’autres que je salue à l’occasion.
En vrac, un mot sur l’avenir de l’Algérie
et de la Kabylie…
J’ai trop mal. J’ai l’impression que le temps est
arrêté. Franchement, un avenir meilleur n’est pas
pour demain. Mais d’acu i tebYid ay adarYal t-tafat, l’espoir
est quand même là.
Des petits mots si tu veux Mustapha…
Volontiers.
L’exil ?
C’est l’angoisse
Tayemat ?
La chaleur
Tayri ?
L’espoir
La musique ?
L’oxygène
Ath Bouyahia ?
…un silence…
Un grand manque… Boudehmane, lekhmis, tizi, agwni, tahechat
…