![]() |
site de l'Association Socio-Culturelle d'Ath-Bouyahia en Europe |
La formation du collectif et la situation des sans-papiers
C'est à cause de ces deux drames que nous avons été contraints de quitter notre pays pour nous établir en France dans des conditions pénibles, sans ressources et sans droits. La non-considération par les autorités françaises du danger de mort qui plane sur nos vies en Kabylie et, en conséquence, le refus par elles de nous accorder un titre de sejour temporaire ou permanent (asile territoriale, politique...) permettant l'accès au marché du travail, nous condamnent à une situation de sans-papier en France. Pour sortir de cette impasse, nous nous sommes regroupés dans un collectif, que chaque semaine, des dizaines de personnes continuent à rejoindre. Nous organisons des manifestations pour interpeller les autorités publiques concernées. Nous avons monté une permanence d'aide juridique avec des avocats et des juristes pour informer et conseiller sur les procédures à suivre. Nous orientons vers les organismes d'aide à la domiciliation administrative, à la restauration, aux soins médicaux.... Nous voulons organiser la solidarité pour qu'aucun d'entre nous ne reste abandonné sur le chemin. L'objectif principal de notre lutte est la régularisation de chaque sans-papier, par des moyens strictement pacifiques. Nous faisons appel à la solidarité de tous ceux qui sont prêts à apporter leur aide et leur soutien à notre combat, qui repose sur la mobilisation de tous les sans-papiers et la sensibilisation de l'opinion publique à notre situation indigne. Car notre situation, à nous, les sans-papiers est une vraie galère. La majorité d'entre nous se trouvent livrés à eux-mêmes. Lors de notre arrivée, on est vite orientés par ceux qui sont déjà là. Ils nous conseillent de déposer une demande d'asile territoriale ou d'asile politique et nous expliquent les procédures à suivre. Il faut d'abord s'adresser à la préfecture : l'attente devant les guichets dure des heures, ensuite les rendez-vous qui nous sont fixés nous obligent à attendre pendant un à trois ans avant d'obtenir une réponse. La plupart du temps, la réponse est négative… Pendant cette attente, nous n'avons pas le droit de travailler, et la demande d'asile territoriale ne s'accompagne d'aucune aide financière et d'aucune possibilité d'hébergement. Pour s'en sortir, on doit travailler au noir, ce qui nous expose à l'exploitation des employeurs. Et encore : tout le monde ne trouve pas de travail... La plupart des boulots sont épuisants (bâtiment, marchés, restauration, etc.), mal payés, voire pas du tout, car les patrons qui font travailler au noir nous savent sans défense et ne se sentent jamais obligés de payer une fois le travail accompli. Quand on est payé, les sommes sont misérables (par exemple, sur les marchés, une journée de travail de 8 à 14 heures n'est payée que de 100 à 150 francs, soit 15 à 20 euros). Elles permettent à peine de payer une chambre d'hôtel : toujours chère, dans un vieil hôtel insalubre, partagée à deux ou trois personnes, quand on a la chance d'en trouver... Et après cela, il ne reste presque plus rien pour se nourrir et s'habiller. Ceux qui ne trouvent pas de travail ou de chambre se retrouvent à la rue. Ils dorment dans des squatts ou sous des ponts, avec à peine une couverture sur le dos. Pour manger, ils n'ont d'autre solution que de faire de longues queues devant les restaurants d'aide alimentaire : Restaus du coeur, Armée du salut, associations chrétiennes... Bref, leur précarité est totale. Cette précarité est d'autant plus durement vécue que nous portons les séquelles des drames vécus en Kabylie, drames qui continuent à nous abattre moralement à mesure que nous arrivent ici les mauvaises nouvelles de la répression dans notre pays, contre laquelle d'ici, nous sommes dans l'impossibilité de réagir.
|
voir aussi |